Swans Commentary » swans.com 25 janvier 2010  

 


 

 

Swans en français

 

Les chômeurs et les « working poor »
 

 

Marie-Laetitia Gambié

 

 

 

 

(Swans - 25 janvier 2010)  

Pauvreté ordinaire.

 

La France est un pays riche. Elle fait d'ailleurs partie du G8. De justesse ... Il s'en faut de peu qu'elle ne se fasse reléguer dans la masse informe des 9eme, 10eme, et autres ! Mais, pour l'instant, elle se maintient avec son minuscule territoire et sa population réduite (60 millions) dans le lot des pays industrialisés les plus riches. Pourtant ... pourtant le quotidien du plus grand nombre de ses citoyens n'est pas enviable. La population active représente environ 28 millions de personnes et parmi celles-là, entre 4 et 12% selon les facteurs pris en compte vivent en-dessous du seuil de pauvreté. Les « working poors » sont, dans notre beau pays, si fier de ses valeurs et de sa révolution, une réalité. Le taux de chômage, trafiqué à la baisse pour museler les velléités révolutionnaires ou les simples pulsions de révolte, ne descend plus qu'exceptionnellement en-dessous des 9%. Presque un travailleur sur 10 subsiste uniquement grâce au système d'assurance chômage. Mais quel est son quotidien ? Comment survit-il ?

 

L'indemnisation des chômeurs.

 

En France, toute personne ayant travaillé plus de 14 mois a droit à une indemnité pour une période de chômage. Cette indemnité est calculée en fonction de ses salaires passés. Ceci signifie deux choses : moins il a gagné en période active, moins son indemnité sera élevée ; et moins il a gagné, moins il sera enclin à rester dans cette situation de précarité avérée.

Prenons un exemple. Un salarié ayant perçu le SMIC (salaire minimum garanti en France, environ 1000 euros) touchera une indemnité égale à environ 800 euros pendant 23 mois. Peu importent ses charges, le nombre de personnes dont il doit assurer la subsistance, son ancien train de vie. Il a cotisé pourtant, souvent de fort longues années, mais seuls seront pris en compte ses douze derniers salaires. Pour maintenir son emploi, il aura parfois consenti de substantielles réductions de salaires, des horaires de travail impossibles, des mobilités, un changement de statut .... tout, ou presque, pour garder son poste. Les assedic (organisme qui indemnise les chômeurs) ne prendront pas cela en considération. Mieux, s'il a négocié son départ, son indemnité de licenciement sera défalquée de ses droits à indemnisation.

 

Comment vivre en étant au chômage ?

 

Les droits sociaux d'un chômeur ne sont pas calculés ex nihilo. On prend en effet en compte l'ensemble des revenus de son foyer fiscal. Cela semble légitime et pourtant .... On assiste à des divorces factices aux seules fins de percevoir des indemnités supérieures, parce que vivre, subsister, avec 800 euros par mois, c'est une tâche impossible.

Aujourd'hui, à proximité des grandes villes, là où se trouvent concentrés les bassins d'emploi, il est impossible de loger une famille avec 2 enfants pour moins de 800 euros par mois, soit la totalité de l'indemnité chômage d'un travailleur « bas de gamme ». Pour peu que le conjoint perçoive un salaire de base également, survivre devient un combat quotidien.

Il faut payer : l'électricité, les charges locatives, le gaz, le chauffage, les transports, les frais de garde des enfants, les abonnements téléphoniques, les impôts locaux, l'essence (particulièrement chère en France avec un système de taxes d'Etat extrêmement dissuasif), et seulement ensuite, une fois toutes ces charges fixes réglées, on peut envisager d'acheter de la nourriture et des vêtements.

L'Etat aide les chômeurs. Pour ce faire, il met en place un système de suivi et de contrôle, car un soupçon permanent pèse sur eux, les surnourris, les abuseurs, les profiteurs : ils sont payés à ne rien faire ! Ils sont donc soumis à l'obligation d'accepter toute offre d'emploi correspondant à leurs qualifications et se trouvant dans un rayon de 50 km de leur domicile. Soit. Pour avoir pratiqué le référencement par les organismes d'aide aux chômeurs, je peux rassurer les lecteurs : les offres, cela n'arrive jamais. C'est à se demander quelle est l'utilité de ces organismes. Le risque d'être rayé des listes pour avoir refusé un emploi est donc tout à fait minime.

Au chômage, un actif français continue de bénéficier d'une protection sociale. Pendant toute la durée de son indemnisation. Les choses se corsent lorsqu'après 2 ans il n'a pas retrouvé d'emploi. La spirale de la marginalisation est alors en marche. Il sort des cases, il sort des chiffres, et ses chances de retrouver un emploi se réduisent alors quasiment à néant. Il est entré dans le vaste cloaque des « chômeurs de longue durée ». Sur ceux-là, peu de chiffres. On n'en parle pas. On leur verse, à Noël, une obole leur permettant en théorie de gâter leurs proches, en réalité elle ne vient que boucher partiellement un trou structurel dans leur budget. On se donne bonne conscience. Le chômeur de longue durée n'est plus à proprement parler un actif, il n'est pas pour autant un inactif, il fait partie du lot de tous ceux qui seraient prêts à prendre n'importe quoi, juste pour travailler, mais qui sont si nombreux que la bonne volonté, hélas, ne suffit pas, loin s'en faut. Alors se mettent en place les solidarités parallèles : les restaus du cœur (1), Emmaüs, les amis, la famille ... On sort de l'économie, du système, on génère et on satisfait ses propres besoins, en dehors des chiffres. Combien sont-ils, ceux qui sont sortis des cases ? Personne n'est en mesure de fournir des chiffres. Mais chacun en connaît autour de lui. La misère est à la fois palpable et dangereusement proche, apprivoisée, quotidienne, il suffit d'ouvrir la mauvaise porte ...

 

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L'auteur

Marie-Laetitia Gambié est née en région parisienne en 1974. Juriste, elle écrit depuis 2006 sur son blog Hémiprésente. Elle vit à Rambouillet, France.   (back)

 

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Note

1.  Restaus du Cœur : Association fondée en 1985 par le défunt humoriste Français Coluche dont le but est de distribuer gratuitement de la nourriture aux plus démunis.  (back)

 

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Swans -- ISSN: 1554-4915
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Published January 25, 2010



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